- Mondafrique https://mondafrique.com/societe/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Sat, 28 Jun 2025 21:53:49 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.1 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/societe/ 32 32 L’héritage du dodo (volet 2), la menace du réchauffement climatique https://mondafrique.com/societe/lheritage-du-dodo-volet-2-le-rechauffement-climatique/ https://mondafrique.com/societe/lheritage-du-dodo-volet-2-le-rechauffement-climatique/#respond Sat, 28 Jun 2025 21:07:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=136265 La crise climatique n’avance pas seule : elle est indissociable de la crise de la biodiversité. Pour s’y plonger, suivons la figure du dodo, cet oiseau endémique de l’île Maurice désormais éteint (voir le premier épisode). Dans l’épisode 2 de cette excellente série de nos confrères de « The conversation », on se plonge dans les conséquences […]

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La crise climatique n’avance pas seule : elle est indissociable de la crise de la biodiversité. Pour s’y plonger, suivons la figure du dodo, cet oiseau endémique de l’île Maurice désormais éteint (voir le premier épisode).

Dans l’épisode 2 de cette excellente série de nos confrères de « The conversation », on se plonge dans les conséquences du changement climatique pour la biodiversité.


L’Héritage du dodo, c’est une bande dessinée pour tout comprendre à la crise du climat et de la biodiversité. Chaque semaine, on explore la santé des écosystèmes, on parle du réchauffement climatique mais aussi de déforestation, de pollution, de surexploitation… On y découvre à quel point nous autres humains sommes dépendants de la biodiversité, et pourquoi il est important de la préserver. On s’émerveille devant la résilience de la nature et les bonnes nouvelles que nous offrent les baleines, les bisons, les loutres…

On décortique les raisons profondes qui empêchent les sociétés humaines d’agir en faveur de l’environnement. On décrypte les stratégies de désinformation et de manipulation mises au point par les industriels et les climatosceptiques. Le tout avec humour et légèreté, mais sans culpabilisation, ni naïveté. En n’oubliant pas de citer les motifs d’espoir et les succès de l’écologie, car il y en a !

Retrouvez ici le deuxième épisode de la série consacré au changement climatique et à ce satané CO2.

Ou rattrapez le premier épisode ici !

  1. Illustrateur, vulgarisateur scientifique, Université Paris-Saclay

  2. Directeur de recherche CNRS, Université Paris-Saclay


 

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« L’Héritage du dodo » (volet 1), l’oiseau mythique de l’île Maurice disparu https://mondafrique.com/societe/lherirage-du-dodo-volet-1-biodiversite-mon-amour/ https://mondafrique.com/societe/lherirage-du-dodo-volet-1-biodiversite-mon-amour/#respond Sat, 28 Jun 2025 02:04:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=136195 La crise climatique n’avance pas seule : elle est indissociable de la crise de la biodiversité. Pour s’y plonger, suivons la figure du dodo, cet oiseau endémique de l’île Maurice désormais éteint. Découvrez en exclusivité, chaque mercredi, les 10 épisodes de la BD concoctée par Mathieu Ughetti et Franck Courchamp. Mathieu Ughetti Illustrateur, vulgarisateur scientifique, Université […]

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La crise climatique n’avance pas seule : elle est indissociable de la crise de la biodiversité. Pour s’y plonger, suivons la figure du dodo, cet oiseau endémique de l’île Maurice désormais éteint. Découvrez en exclusivité, chaque mercredi, les 10 épisodes de la BD concoctée par Mathieu Ughetti et Franck Courchamp.


L’Héritage du dodo, c’est une bande dessinée pour tout comprendre à la crise du climat et de la biodiversité. Chaque semaine, on explore la santé des écosystèmes, on parle du réchauffement climatique mais aussi de déforestation, de pollution, de surexploitation… On y découvre à quel point nous autres humains sommes dépendants de la biodiversité, et pourquoi il est important de la préserver. On s’émerveille devant la résilience de la nature et les bonnes nouvelles que nous offrent les baleines, les bisons, les loutres…

On décortique les raisons profondes qui empêchent les sociétés humaines d’agir en faveur de l’environnement. On décrypte les stratégies de désinformation et de manipulation mises au point par les industriels et les climatosceptiques. Le tout avec humour et légèreté, mais sans culpabilisation, ni naïveté. En n’oubliant pas de citer les motifs d’espoir et les succès de l’écologie, car il y en a !l

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Le destin brisé des femmes en Iran https://mondafrique.com/moyen-orient/135928/ https://mondafrique.com/moyen-orient/135928/#respond Sat, 21 Jun 2025 08:41:50 +0000 https://mondafrique.com/?p=135928 Avant la révolution islamique, les femmes iraniennes avaient conquis de nombreux droits, souvent en avance sur le reste du monde musulman. Mais ces progrès restaient fragiles et inégalement partagés. Retour sur une histoire faite d’élan, de régression et de résistance.  Belinda Ibrahim, Ici Beyrouth Dans les années 1960 et 1970, l’Iran se transforme en profondeur. Le […]

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Avant la révolution islamique, les femmes iraniennes avaient conquis de nombreux droits, souvent en avance sur le reste du monde musulman. Mais ces progrès restaient fragiles et inégalement partagés. Retour sur une histoire faite d’élan, de régression et de résistance. 

Belinda Ibrahim, Ici Beyrouth

Dans les années 1960 et 1970, l’Iran se transforme en profondeur. Le régime du Shah, dans une volonté de moderniser le pays, lance une série de réformes connues sous le nom de «Révolution blanche». Les femmes sont au cœur de ces changements: elles obtiennent le droit de vote en 1963, peuvent accéder aux études supérieures, entrer dans la fonction publique et s’affranchir de nombreuses contraintes légales.

Dans les grandes villes comme Téhéran, Ispahan ou Chiraz, on voit des femmes sans voile dans la rue, au volant de leur voiture, dans les universités, à la télévision ou même au Parlement. Certaines deviennent juges, diplomates ou ministres. L’image de la femme iranienne moderne, éduquée et active s’impose alors comme un symbole de progrès.

Mais cette modernité, aussi réelle soit-elle, ne touche pas toute la population. Dans les zones rurales et les villes plus conservatrices, les mentalités traditionnelles restent profondément ancrées. Le poids de la religion, du patriarcat et des inégalités économiques rend l’accès aux droits bien plus difficile. Beaucoup de familles continuent de marier leurs filles à un très jeune âge, à leur interdire l’école ou le travail et à exercer un contrôle strict sur leur liberté.

De plus, ces réformes sont souvent perçues comme imposées d’en haut, sans véritable dialogue avec la société. Elles manquent d’ancrage populaire, ce qui les rend fragiles. Pour certaines, la modernité du Shah semble davantage une façade politique qu’un changement réellement partagé par tous.

Lorsque la révolution islamique éclate en 1979, de nombreuses femmes se mobilisent. Elles espèrent un changement en profondeur, plus de justice sociale, la fin de la corruption et une société plus égalitaire. Ces femmes viennent de tous les milieux: étudiantes, intellectuelles, religieuses, militantes de gauche ou de droite. Elles marchent aux côtés des hommes pour faire tomber un régime qu’elles jugent oppressif et inégalitaire.

Mais une fois le Shah renversé, l’espoir fait place à une autre réalité. Très vite, le nouveau pouvoir islamique commence à restreindre leurs droits. Le port du voile devient obligatoire dans les institutions, puis dans tous les lieux publics. Le nouveau régime impose une séparation stricte entre hommes et femmes à l’école, au travail, dans les transports.

Le droit familial est entièrement modifié: les femmes perdent des droits en matière de divorce, de garde des enfants, et leur témoignage en justice ne vaut plus celui d’un homme. L’accès à certains métiers leur est interdit. En peu de temps, elles sont reléguées à la sphère domestique, exclues des postes de décision et soumises à de nouvelles règles qui limitent leur liberté de mouvement, de parole et de pensée.

Le 8 mars 1979, pour la Journée internationale des droits des femmes, des milliers d’Iraniennes manifestent contre le port obligatoire du voile. Elles scandent: «La liberté n’est ni orientale ni occidentale, elle est universelle». Cette manifestation, pourtant pacifique, est réprimée. C’est un tournant: les femmes comprennent que leurs espoirs de révolution égalitaire ne seront pas exaucés. Beaucoup se sentent trahies. Celles qui avaient contribué à renverser la monarchie se retrouvent muselées.hUn combat jamais éteint

Quarante ans plus tard, les femmes iraniennes sont toujours debout. Malgré les interdits, malgré la censure, elles continuent de lutter, jour après jour. Elles étudient, travaillent, écrivent, enseignent, élèvent leurs filles dans l’idée que les choses peuvent changer. Elles utilisent les réseaux sociaux, les arts, les universités comme lieux de résistance.

En 2022, la mort de Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs parce que ses cheveux dépassaient de son voile, provoque une immense vague de colère. Le slogan «Femme, Vie, Liberté» devient le mot d’ordre d’une génération. Partout dans le pays, des jeunes filles brûlent leur voile, manifestent, prennent la parole, défient les lois.

Ces gestes ne sont pas nouveaux. Ils s’inscrivent dans une longue histoire de luttes féminines, commencée bien avant 1979. Les mères et les grands-mères de ces jeunes femmes avaient connu des libertés que la révolution islamique leur a retirées. Cette mémoire se transmet, alimente le courage et l’endurance des plus jeunes.

Même face à la violence, aux arrestations, à la prison ou à la mort, les femmes iraniennes restent au premier rang de la contestation. Elles ne réclament pas des privilèges, mais l’égalité. Elles ne veulent pas renverser la société, mais y prendre leur juste place.

Encadré: Le saviez-vous ?

Farrokhroo Parsa fut la première femme ministre en Iran, en 1968, nommée à l’Éducation. Elle se battait pour la scolarisation des filles. Après la révolution, elle fut arrêtée, jugée par le nouveau régime islamique et exécutée en 1980. Elle est devenue un symbole de la régression violente que les femmes ont subie.

Le destin des femmes iraniennes est profondément lié à celui de leur pays. Elles ont été les premières à bénéficier des avancées, les premières à en être privées, et aujourd’hui, elles sont les premières à se lever pour réclamer la liberté. Leur combat, enraciné dans le passé, continue de dessiner l’avenir.

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Du Congo au Ghana, le requin est le poisson le moins cher du marché https://mondafrique.com/societe/du-congo-au-ghana-le-requin-est-le-poisson-le-moins-cher-du-marche/ Mon, 09 Jun 2025 05:40:40 +0000 https://mondafrique.com/?p=135352 Loin de l’image du carnassier des Dents de la mer, rappelle l’excellent site « The Conversation », les requins sont des proies pour les humains bien plus que des prédateurs. Pêchés, notamment pour leurs ailerons, ces poissons sont une ressource essentielle pour de nombreuses communautés côtières, mais aussi des victimes de la pêche illégale, et même du trafic […]

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Loin de l’image du carnassier des Dents de la mer, rappelle l’excellent site « The Conversation », les requins sont des proies pour les humains bien plus que des prédateurs. Pêchés, notamment pour leurs ailerons, ces poissons sont une ressource essentielle pour de nombreuses communautés côtières, mais aussi des victimes de la pêche illégale, et même du trafic de drogue.

Doctorante en sciences politiques, Université de Tours


Les requins comptent parmi les créatures les plus mystérieuses qui peuplent l’océan. Cibles de nombreux clichés – avant tout celui du mangeur d’hommes –, ce sont en réalité des poissons très éloignés de l’animal vorace que nous avons imaginé. Le plus souvent timides, furtifs et inoffensifs pour l’être humain, ils constituent une énigme même pour les scientifiques. Chaque interaction permet cependant de lever davantage le voile d’ignorance qui les entoure.

Une autre réalité nous échappe finalement davantage : celle des hommes et femmes tributaires des requins, qui inspirent parfois des jugements hâtifs et simplistes. Cet article entend dissiper les a priori que nous pouvons nourrir à propos de ces travailleurs de la mer qui exploitent les requins.

La pêche durable et équitable constitue à cet égard l’un des thèmes clefs de la Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc) qui s’ouvre ce lundi 9 juin, à Nice (Alpes-Maritimes). Le vendredi 13 juin, j’y interviendrai sur la pêche au requin dans une conférence intitulée « De la pêche à la criminalité transnationale organisée : comprendre la “symbiose criminelle” ».

Où sont pêchés les requins ?

Lorsque l’on parle des requins et du commerce visant leurs ailerons, on pense souvent à la Chine. Certes, ce pays concentre encore la majeure partie du marché des ailerons de requin, mais la consommation chinoise a nettement diminué ces dix dernières années, à l’instar de celle des Taïwanais et des Singapouriens.

D’autres pays sont par ailleurs à l’origine de la demande en ailerons de requin, notamment la Thaïlande, le Vietnam et le Japon. Si l’écrasante majorité des ailerons prélevés dans le monde est donc envoyée en Asie, les navires pêchant le requin ne sont pas nécessairement sous pavillon asiatique. Ainsi les marins espagnols comptent-ils parmi les principaux pêcheurs de requins à l’échelle mondiale et sont les premiers exportateurs européens d’ailerons (97 % du marché).

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Ils prélèvent la plupart de ces squales loin des côtes européennes, notamment au sein du golfe de Guinée, dans les zones économiques exclusives (ZEE) d’États africains avec lesquels l’Union européenne a conclu des accords de partenariat de pêche durable (APPD). À l’échelle du continent américain, c’est le Costa Rica qui s’impose comme le principal pourvoyeur d’ailerons, devant le Pérou, l’Uruguay et le Mexique. Les squales y constituent en effet 40 % des prises de la pêche commerciale.

Au caractère diffus de ce commerce s’ajoute toutefois une autre complexité : l’existence parallèle d’un trafic d’ailerons de requin mondial. Différentes zones d’expédition de ces ailerons de contrebande sont identifiables à travers le monde, mais celles qui cumulent le plus de saisies en volume sont le Pacifique tropical oriental, une région maritime qui s’étend du Pérou au Mexique, et le golfe de Guinée, élargi à quelques États d’Afrique de l’Ouest. Une analyse des saisies mondiales d’ailerons de requin que j’ai menée démontre que ces deux zones totalisent respectivement 47 % et 31 % des saisies globales d’ailerons de contrebande entre 2019 et 2025.

Non, les pêcheurs ne prélèvent pas seulement les ailerons

Cette pratique, appelée « finning », est interdite dans la plupart des pays du monde. Dans l’Union européenne, le règlement n°605/2013 impose depuis 2013 aux navires européens et à ceux pêchant dans les eaux européennes de débarquer les requins avec « les nageoires naturellement attachées au corps ». De fait, si le finning constituait la norme dans de nombreuses pêcheries entre les années 1980 et 2000, cette pratique est désormais marginale.

Encore très répandu en Amérique latine il y a une quinzaine d’années, le finning y a nettement diminué sous la pression des réglementations et des sanctions accrues, d’une part, et compte tenu de la forte réduction de la valeur des ailerons, d’autre part. Dans la réserve marine des Galápagos, le finning et la pêche ciblant les requins ont tous deux disparu dès les années 2005-2007 au profit de la pêche au thon. Au Costa Rica, la pêche au squale perdure, mais les dernières poursuites pour finning remontent à 2011, contre deux navires chinois ainsi que des bateaux costaricains ayant mutilé des requins encore vivants. Deux mille squales sans ailerons avaient alors été découverts par des plongeurs dans l’aire marine protégée (AMP) colombienne de Malpelo.

Ailerons de requins coupés, dans des caisses de pêche et à même le sol
 
Ailerons de requin fraîchement coupés sur un quai de Puntarenas (Costa Rica).

Lors d’un entretien effectué en 2024, les garde-côtes du Pacifique chargés, entre autres, de la surveillance de l’AMP de Malpelo ont confirmé la diminution du finning à bord des embarcations de pêche illégale, les dernières saisies remontant à 2022. Certes, des requins comptent bel et bien parmi les prises illégales, mais sont généralement conservés entiers par les contrevenants. Lors d’observations sur des points de débarquement de pêche au Costa Rica et en Équateur, j’ai en effet constaté que les ailerons étaient systématiquement coupés après leur débarquement.

Si le kilo de viande de requin a moins de valeur que le kilo d’ailerons, le poids total de la viande rapporte plus aux pêcheurs et nourrit à la fois le marché national et international, notamment vers l’Espagne. En Amérique latine, le dernier constat de finning médiatisé date de septembre 2023, lorsqu’un navire fut appréhendé dans l’AMP panaméenne de Coiba avec 226 prises illégales et 602 ailerons de requin.

Deux femmes dans un marché, derrière une bassine remplie de morceaux de poisson fumé

Dans le golfe de Guinée, les pêcheurs locaux débarquent toujours le requin entier. Les ailerons sont généralement exportés vers l’Asie, mais la viande se consomme localement : le requin est souvent le poisson le moins cher du marché. Du Congo-Brazzaville au Ghana, en passant par Sao Tomé-et-Principe et jusqu’en Amérique latine, il permet ainsi à des populations modestes d’accéder à des protéines animales. En Colombie, le tollo est au cœur de la cuisine des communautés afrodescendantes de Buenaventura. L’huile de foie de requin fait d’ailleurs partie de la médecine traditionnelle des communautés côtières du Pacifique colombien et équatorien.

Le trafic de drogue dope la pêche au requin

En septembre 2020, 6 tonnes d’ailerons de requins, 18 000 plants de marijuana et 15,6 kg de marijuana transformée ont été saisis lors d’une opération ciblant des trafiquants de drogue résidant aux États-Unis. Ces narcotrafiquants avaient diversifié leurs activités criminelles au profit d’autres trafics, dont la contrebande d’ailerons. Cet exemple constitue un cas de convergence criminelle – concept utilisé par de nombreux criminologues pour caractériser les liens entre différentes activités ou réseaux criminels.

Au-delà de l’opportunité que constitue le trafic d’ailerons de requin pour diversifier des revenus, voire blanchir de l’argent, on constate que les squales comptent parmi les nombreuses victimes collatérales du trafic de drogue.

Entre 2009 et 2017, les deux principaux cartels mexicains ont ainsi fait transporter des centaines de kilos de cocaïne dans des requins congelés avec la complicité d’entreprises costaricaines spécialisées dans la transformation et l’exportation de poissons.

Dans d’autres cas, des pêcheurs latino-américains ont été contrôlés avec de la cocaïne et de nombreux requins à bord, la pêche servant alors d’alibi. Sous la pression des difficultés économiques et de l’insécurité liée au narcotrafic, nombre de bateaux de pêche équatoriens finissent en effet par emprunter la « route du désert » : ils quittent l’Équateur en direction des Galápagos, à près de 1 000 km, pour ensuite rejoindre l’Amérique centrale, étape clé vers le marché nord-américain. Au large de l’archipel, de nombreux navires ravitaillent également en carburant ceux qui transportent de la drogue.

Une fois la drogue ou l’essence livrée, un passage à proximité de la réserve des Galápagos permet de cibler des bancs de requins et de justifier sa sortie en mer. Si l’Équateur a interdit la pêche au requin depuis 2007 et que seules les prises « accidentelles » sont officiellement tolérées par Quito, les squales constituent jusqu’à 80 % des prises débarquées au port de Jaramijo.

Toutefois, ces requins ne camouflent pas systématiquement des trafics : quand les poissons les plus prisés (espadons, thons…) ne mordent pas, les pêcheurs tendent à cibler les squales pour gagner de quoi payer les frais engagés. La drogue et l’épuisement des ressources entraînent donc ces bateaux toujours plus près de la réserve des Galápagos, voire de celle de Malpelo.

Dans un port, plusieurs hommes travaillent autour des caracasses de requins sur le sol. L’un d’eux est penché pour couper les ailerons de requin
 
Découpe des ailerons des requins débarqués au port de Jaramijo (Équateur). 

Vous avez peut-être déjà mangé du requin sans le savoir

Au-delà de la fameuse soupe d’ailerons de requin, le squale est un mets que l’on retrouve dans différents plats traditionnels, y compris lorsque ceux-ci ne sont pas ouvertement censés en contenir. Au Costa Rica, les populations côtières ne s’y trompent pas, mais les touristes et les habitants des grandes villes, comme San José, ne font pas toujours la différence entre un filet de dorade ou de requin juvénile. Nombre d’entre eux ignorent en outre que le fameux ceviche de poisson contient souvent du requin.

Même chose en Équateur, où la majeure partie de la viande de requin est exportée vers la Sierra (région de Quito). Le plus souvent, on fait passer la viande de requin pour du filet de maigre (appelé localement corvina) vendu au moins cinq fois plus cher que les squales. Cette arnaque permet une plus-value importante au détriment du consommateur.

Si vous n’avez pas consommé de requin au cours d’un voyage en Amérique latine, vous en avez probablement déjà mangé en Europe.

Les Espagnols affectionnent le cazón adobado (« chien mariné », le chien en question n’étant autre que du requin-hâ), tandis que les Portugais apprécient la caldeirada de pata roxa, ou « civet de patte violette » (du nom local de la roussette).

Les Allemands et les Autrichiens préparent quant à eux le Kalbfleisch à base de « veau de mer » – l’appellation commerciale de la maraîche, ou requin-taupe commun, que l’on trouve en France dans le veau de mer à la provençale.

Beaucoup d’étals européens proposent en outre de l’aiguillat commun, appelé rock salmon ou dogfish en Grande-Bretagne, saumonette en France et Schillerlocken en Allemagne. Ce poisson est toutefois classé « vulnérable » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Comme en Amérique latine, la plupart des espèces de requins commercialisées en Europe le sont sous des surnoms susceptibles d’induire en erreur les consommateurs, dont certains mangent ainsi du requin sans le savoir.

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Le mouton de l’Aïd au Maroc, un luxe devenu inaccessible https://mondafrique.com/societe/le-mouton-de-laid-au-maroc-un-luxe-devenu-inaccessible/ Sat, 07 Jun 2025 04:21:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=135262 Le roi du Maroc, Mohammed VI, qui a le statut de « commandeur des croyants » musulmans dans son pays, a appelé la population à ne pas sacrifier le mouton lors de la fête de l’Aïd qui aura lieu au début du mois de juin, en raison d’une diminution du cheptel liée à la sécheresse qui a fait […]

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Le roi du Maroc, Mohammed VI, qui a le statut de « commandeur des croyants » musulmans dans son pays, a appelé la population à ne pas sacrifier le mouton lors de la fête de l’Aïd qui aura lieu au début du mois de juin, en raison d’une diminution du cheptel liée à la sécheresse qui a fait grimper les prix. « Notre pays affronte des défis climatiques et économiques qui ont eu pour conséquence une régression substantielle du cheptel », a noté le roi dans un discours lu par le ministre des affaires religieuses, mercredi 26 février, à la télévision publique.

www.capinfo.ma

 Bien que le gouvernement ait affirmé que l’objectif de cette politique de soutien à l’importation des moutons était d’alléger le fardeau des citoyens à l’approche de l’Aïd al-Adha, les données révèlent que ces politiques n’ont pas donné les résultats escomptés. Cela a conduit les partis politiques et les observateurs des affaires politiques et sociales à exprimer leur mécontentement, au milieu de doutes croissants sur les véritables intentions de cette aide.

Déclarations contradictoires

La majorité gouvernementale marocaine traverse une crise politique aiguë entre ses composantes en raison de déclarations contradictoires sur cette aide à l’importation de bétail. Au départ, Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau et secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, a révélé des informations sur cette politique, affirmant que le montant alloué à ce soutien s’élevait à 1,3 milliard de dirhams, bénéficiant uniquement à 18 importateurs. Il a vivement critiqué la manière dont cette aide a été distribuée, blâmant le gouvernement pour son incapacité à influencer les prix du marché. Selon lui, le prix des moutons est resté élevé pendant l’Aïd al-Adha, impactant négativement les citoyens qui espéraient une baisse des prix.

Rachid Talbi Alami, président de la Chambre des représentants et membre du bureau politique du Rassemblement national des indépendants (RNI), a rapidement réagi aux déclarations de Baraka. Il a affirmé que les chiffres avancés étaient erronés, précisant que le nombre réel des importateurs bénéficiaires était d’environ 100, et non 18, et que le coût total de l’opération n’avait pas atteint 1,3 milliard de dirhams, mais seulement 300 millions.

Talbi Alami a insisté sur le fait que l’aide gouvernementale avait été distribuée de manière raisonnable et basée sur des chiffres réels. Selon lui, ces exonérations visaient à assurer un approvisionnement en moutons à des prix abordables dans le cadre de la stratégie gouvernementale de lutte contre la flambée des prix et de facilitation de l’achat des moutons pour l’Aïd al-Adha.

De son côté, Nabil Benabdallah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), est intervenu dans le débat en apportant de nouvelles données basées sur des documents gouvernementaux officiels. Dans un article publié sur sa page Facebook, il a révélé un document montrant que le montant des exonérations fiscales pour l’importation des moutons et des bovins s’élevait à près de 13,3 milliards de dirhams. Il a ajouté que 277 importateurs avaient bénéficié de ces exonérations, y compris les importateurs de moutons et de bovins.

D’après Benabdallah, ces données proviennent des documents fournis par le gouvernement en réponse à une demande du PPS en octobre 2024, dans le cadre des discussions sur le projet de loi de finances 2025. Selon ce document officiel, les pertes budgétaires dues aux exonérations sur les bovins résultaient principalement de la suppression des droits d’importation appliqués aux bovins domestiques du 21 octobre 2022 au 31 décembre 2024, ce qui a coûté 7,3 milliards de dirhams au Trésor public, en plus de 744 millions de dirhams de TVA prise en charge par l’État.

Concernant les moutons, le gouvernement a également annulé les droits d’importation et la TVA depuis février 2023, ce qui a coûté au budget général 3,86 milliards de dirhams et 1,16 milliard de dirhams respectivement. Dans ce cadre, 144 importateurs ont bénéficié de ces exonérations entre février 2023 et octobre 2024.

Pour l’importation des moutons destinés à l’Aïd al-Adha 2024, Benabdallah a indiqué que 474 312 moutons avaient été importés, avec une subvention forfaitaire de 500 dirhams par tête, ce qui a coûté à l’État 237 millions de dirhams.

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Une gestion gouvernementale chaotique : échec et justifications

Avec l’intensification du débat sur l’aide à l’importation du bétail, les observateurs soulignent de plus en plus l’inefficacité du gouvernement dans la gestion de ce dossier sensible, qui n’a abouti qu’à un gaspillage des fonds publics sans impact tangible sur le pouvoir d’achat des Marocains. Certains y voient le dernier coup porté à l’ancien ministre Mohamed Sadiki, qui a perdu son poste à cause de cette crise. De plus, l’aveu explicite de l’échec de cette politique par Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget, ne fait que renforcer les accusations contre le gouvernement, accusé d’être incapable de réguler le marché ou de garantir la justice sociale qu’il prône dans ses discours officiels.

Cet aveu, suivi de déclarations contradictoires au sein même de la majorité gouvernementale, soulève des questions légitimes sur les responsabilités politiques de cet échec. En effet, la crise ne s’est pas limitée à l’Aïd al-Adha, mais a mis en lumière des dysfonctionnements structurels plus profonds dans la gestion économique et sociale. Entre les chiffres divergents avancés par Nizar Baraka et Rachid Talbi Alami, et les révélations basées sur des documents officiels de Nabil Benabdallah, il apparaît clairement que le gouvernement lui-même est incapable de fournir une version unifiée et convaincante sur les montants réellement dépensés pour ce soutien, alimentant ainsi les doutes sur la transparence de sa gestion.

Certains observateurs estiment que ces contradictions offrent une opportunité de repenser les mécanismes de soutien à l’importation du bétail et de renforcer la transparence des déclarations gouvernementales, surtout à l’approche des élections. Chaque parti cherche désormais à exploiter cette crise pour orienter le débat public sur la justice sociale et les inégalités économiques.

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L’Islamisme politique ne menace pas la République https://mondafrique.com/societe/lislamisme-politique-ne-menace-pas-la-republique/ Mon, 26 May 2025 08:50:34 +0000 https://mondafrique.com/?p=134119 Un rapport gouvernemental, intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France », présenté lors d’un Conseil de défense, mercredi 21 mai, pointe des menaces graves de la part d’une nébuleuse liée à la confrérie secrète des Frères musulmans, fondée en Égypte en 1928. Le chercheur Franck Frégosi, spécialiste de l’islam français, dénonce chez nos […]

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Un rapport gouvernemental, intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France », présenté lors d’un Conseil de défense, mercredi 21 mai, pointe des menaces graves de la part d’une nébuleuse liée à la confrérie secrète des Frères musulmans, fondée en Égypte en 1928. Le chercheur Franck Frégosi, spécialiste de l’islam français, dénonce chez nos confrères de l’excellent site « The Conversation » une communication politique et une interprétation erronée de ce que représente le « frérisme » dans la France d’aujourd’hui. Entretien.

politiste, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)


The Conversation : Dans quel contexte se situe ce rapport ? Qui le produit et dans quel but ?

Franck Frégosi : On parle du rapport Retailleau – ce dernier, dont les ambitions présidentielles sont connues, l’utilise habilement pour sa communication politique, notamment en faisant « fuiter » des extraits dans le Figaro dès dimanche 8 mai – mais, en fait, il s’agit d’un rapport commandé par son prédécesseur Gérald Darmanin, il y a plus d’un an. La cible du rapport, c’est la question de l’influence des Frères musulmans et, plus largement, de l’islamisme politique en Europe. Les rapporteurs et une commission ont procédé à des auditions et des déplacements, en France et à l’étranger. Ils ont sollicité le point de vue – dont le mien – d’universitaires ou d’experts sur les questions d’islam, il y a aussi toute une partie qui concerne les services de sécurité et qui n’a pas été rendu public.

Rappelons qu’au départ, ce rapport était annoncé comme classifié, mais le ministre Retailleau a souhaité le déclassifier. La version que j’ai pu consulter m’interroge. Est-ce le rapport tel qu’il a été écrit par les rapporteurs ? Cette version a-t-elle été retouchée sous l’influence du politique ? Il n’est pas du tout illégitime que l’État s’empare de ce sujet, mais il est important que l’on comprenne un peu plus précisément les conditions de sa production.

Le rapport parle de « risques », de « dangers » et de « menaces » liés à la mouvance « frériste », mais il donne aussi des chiffres : 400 personnes constitueraient le noyau dur de cette confrérie. Le rapport évoquer 139 lieux de culte affiliés à l’association Musulmans de France, héritière de l’Union des organisations islamiques en France (UOIF), elle-même héritière de la confrérie des Frères musulmans. Le document estime que 10 % des lieux de culte ouverts dans la période 2010-2020 y seraient affiliés, ce qui correspond à un ensemble de 91 000 fidèles (sachant qu’un fidèle peut fréquenter une mosquée sans adhérer à la « mouvance », comme le précise le rapport) qui représentent 0,01 % des 7,5 millions de musulmans de France. Ces chiffres signalent-ils un danger ?

F. F. : Considérant ces chiffres, j’avoue ne pas comprendre la nature de cette menace. Il est important de rappeler que ce n’est pas parce que des individus fréquentent un lieu de culte qu’ils adhèrent nécessairement à la philosophie de celui qui l’a créé. La proximité géographique de la mosquée explique beaucoup la logique de fréquentation. Doit-on considérer que 400  personnes, qui constitueraient le centre de la confrérie, pourraient subvertir les institutions républicaines voire islamiser la société ? Ce n’est pas crédible. Notons que, les Frères musulmans sont en perte de vitesse dans les pays musulmans et que l’association Musulmans de France, supposée être l’héritière de la « mouvance frériste » est plutôt en perte de vitesse dans notre pays – si l’on considère le nombre d’associations qui sont affiliées.hFaire un don

D’un point de vue idéologique, la mouvance frériste porte-t-elle un islam « intégral » menaçant la République comme le souligne le rapport ?

F. F. : Il faut dissocier les Frères musulmans des origines de ce qu’ils sont devenus en France aujourd’hui. Lors de la création de la confrérie en 1928, Hassan Al-Banna, le fondateur, veut clairement « réislamiser » la société égyptienne de façon gradualiste. Au cœur du projet, il y avait la référence centrale à la charia, mais dans un contexte majoritairement musulman et aussi par réaction à la présence coloniale britannique aux côtés du roi Farouk. Depuis, la confrérie a essaimé dans l’ensemble du monde musulman et a donné naissance dans plusieurs sociétés à différentes formations politiques.

Au cours des années, ces formations ont dû tenir compte de l’histoire propre de chaque société et des systèmes politiques locaux. En Europe, des militants, principalement issus de la branche égyptienne de la confrérie ont essayé de repenser ce projet « intégraliste », répondant à tous les aspects de la vie quotidienne en tenant compte du contexte d’un islam minoritaire au sein de sociétés sécularisées de surcroît. Mais, progressivement, ils ont pris conscience que la centralité de la charia ou d’un État islamique n’était guère envisageable dans l’espace européen et ont adapté leur discours.

Ainsi, Saïd Ramadan a-t-il proposé de réinterpréter la notion de charia comme « justice sociale ». La tonalité politique des origines s’est diluée, a progressivement disparu de leur agenda européen. Aujourd’hui, en France, l’objectif est surtout cultuel : il s’agit de ramener les musulmans présents en Europe à une observance de plus en plus conservatrice de la religion et de ses principes. Proposer un encadrement pour les prières, développer des bribes d’enseignement ou d’éducation islamique, construire des écoles sous contrat, surtout après l’interdiction du voile dans l’école et dans les lycées publics.

Les héritiers de cette mouvance sont devenus des notables communautaires plus soucieux de conservatisme moral et social en rupture de ban avec les éléments les plus activistes de la société, notamment certains jeunes musulmans nés en Europe, plus mobilisés et résolument critiques envers les gouvernements en place.

Le rapport souligne que les Frères musulmans sont une confrérie secrète. La démarche de respectabilité ou d’institutionnalisation est soupçonnée d’être une stratégie de dissimulation. Le but final serait toujours d’instaurer un califat.

F. F. : Les rapporteurs évoquent un projet secret, mais finalement ils n’avancent aucun élément sérieux pour le démontrer. Ils ne font que leur prêter des intentions sans être en mesure de les raccorder à des faits ou à des comportements délictueux. La confrérie secrète des origines est-elle toujours opérationnelle ? En France, l’appartenance à la « mouvance » n’est plus subordonnée à une prestation de serment au guide. Il y a à la fois, d’un côté, le mythe de la confrérie et de son cercle restreint qui tirait les ficelles de l’histoire et, de l’autre, la réalité de terrain. Ce que j’ai pu observer, depuis des décennies, ce sont des acteurs communautaires qui communiquent beaucoup, y compris sur leurs propres désaccords – cela ne ressemble pas aux pratiques d’une confrérie secrète. L’idée d’un double agenda ne tient pas véritablement la route à mon sens.

Certains spécialistes cités par le rapport considèrent que « d’ici une dizaine d’années, certaines municipalités seront à la main d’islamistes, à l’image de la Belgique où au moins cinq communes de l’agglomération bruxelloise, comme Saint-Josse ou Molenbeek, composée d’une écrasante majorité d’habitants d’origine étrangère, présentent les caractéristiques de territoires confisqués où le contrôle social des islamistes sur la population apparaît presque complet ». Qu’en pensez-vous ?

F. F. : Le rapport passe d’une étude sur la mouvance « frériste » à des considérations sur l’« islamisme » en général, et à l’islamisme municipal plus particulièrement ! Plus largement, il y a un glissement entre, d’une part, la légitime prévention contre tout courant qui légitimerait le recours à la violence et, de l’autre, le fait qu’il y a, dans nos sociétés, des personnes de confession ou de culture musulmane engagées en politique qui auraient l’ambition de faire élire un maire susceptible de leur venir en aide dans des projets collectifs (équipements cultuels, soutien financier d’associations…). C’est une autre manière de suggérer l’existence de logiques clientélistes qui pourraient trouver à s’exprimer lors des prochaines municipales.

Concernant la France, des études en sciences sociales montrent que, dans certains quartiers populaires, des groupes musulmans actifs – qui n’étaient pas spécialement Frères musulmans et qui étaient plutôt, jusque-là, politiquement abstinents – ont approché des élus, lors d’échéances électorales, afin d’être leurs interlocuteurs dans le quartier, principalement en vue d’objectifs matériels de proximité, comme le fait d’acquérir ou de louer un bâtiment communal pour un usage associatif ou tout simplement pour dénoncer l’insalubrité chronique dans certains quartiers périphériques. On est loin de tout projet de subversion de la République et d’instauration d’une zone où la charia serait l’unique norme en vigueur. Ces électeurs de confession musulmane tentent tout simplement de se faire entendre des élus et de défendre leurs intérêts de citoyens engagés dans le vie des territoires. D’autres ont essayé de créer des « listes communautaires », dans lesquelles la référence à l’islam était très ambiguë, mais elles n’ont pas rencontré le succès escompté, l’abstention étant très forte dans ces quartiers.

J’ajoute que le rapport entretient également une certaine confusion entre la visibilité urbaine du fait musulman (liée au voile ou à d’autres signes d’appartenance religieux, écoles musulmanes, commerces de produits halals…) qui s’est clairement développée et d’autres phénomènes, tels que la radicalité violente, dont peuvent se faire échos certaines mouvances ou certains sites.

Concernant le sport ou l’éducation, le rapport décrit un réseau étendu lié à la mouvance frériste. Il donne des chiffres : en 2020, 127 associations sportives sont identifiées comme « ayant une relation avec une mouvance séparatiste », rassemblant plus de 65 000 adhérents, parmi lesquelles 29 structures apparaissaient fondées ou noyautées par des tenants de l’islam radical, majoritairement salafiste (18) et fréristes (5) rassemblant plus de 11 000 adhérents. Le rapport admet pourtant que ce « chiffre peut paraître modeste » au regard des 156 000 structures sportives et 16,5 millions de licenciés…

F. F. : Ces chiffres concernent une infime minorité d’associations. Or, le rapport raisonne comme si le phénomène se généralisait à l’ensemble des clubs sportifs. Par ailleurs, ces différentes structures associatives sont présentées comme liées dans un projet commun, global et cohérent. Je serais extrêmement prudent. Qu’il y ait des associations sportives dans lesquelles on met en avant le respect d’un certain nombre de normes, on va dire éthiques ou vestimentaires, c’est un fait. Mais dans la galaxie de satellites qui peut être associée au frérisme, les associations ne sont pas forcément liées entre elles par une espèce de pacte commun visant à renverser la République et à instaurer le califat. Ce « complot » n’est à aucun moment démontré de façon crédible et n’est pas attesté par les enquêtes de terrain.

Je rappelle, par ailleurs, que ces associations doivent respecter un cadre légala fortiori pour les écoles qui visent une contractualisation. On soumet donc ces organisations musulmanes à un régime du soupçon systématique, il vaudrait mieux les juger sur ce qu’elles font concrètement.

Pourquoi cibler la mouvance frériste alors que d’autres courants de l’islam politique sont ignorés dans le rapport ?

F. F. : Le rapport constate que la dynamique des Frères musulmans est affaiblie dans le monde musulman, mais il affirme qu’elle serait majeure en Europe. Or, en France, on observe plutôt un essoufflement de celle-ci qui est largement concurrencée par d’autres dynamiques, notamment le salafisme et certaines formes de littéralisme que le rapport se garde d’étudier. Ayons à l’esprit que l’État saoudien, qui a tout de même permis le développement du salafisme (après avoir accueilli, dans les années 1950, lesdits Frères musulmans) sont aujourd’hui à la pointe du combat anti-Frères, de même que les Émiratis. Il y a sans doute une dimension géopolitique en jeu dans le fait de cibler exclusivement les Frères musulmans et, accessoirement, la Turquie d’Erdogan, comme si d’autres sensibilités n’étaient pas plus problématiques aujourd’hui. Le jihadisme n’est pas non plus évoqué, alors qu’il devrait être une priorité pour les pouvoirs publics !

Il y a beaucoup de choses à reprocher aux Frères musulmans. En Égypte historiquement et en Palestine, ils ont pu avoir recours à l’action violente. Mais de là à considérer que ce qui se passe aujourd’hui en France serait la préfiguration que ce qui s’est passé dans le Moyen-Orient… Il faut savoir raison garder et hiérarchiser les problèmes.

Quelles seront les conséquences de ce rapport ?

F. F. : Il a déjà des effets politiques, avec de nombreux commentaires de tous bords et une agitation médiatique immédiate. Le chef de l’État, débordé par le ministre de l’intérieur, tente de reprendre la main en demandant au gouvernement de faire des propositions d’ici au mois de juin. Il y a clairement un plan de Bruno Retailleau qui se positionne pour la présidentielle de 2027. Certains ténors réclament des interdictions d’associations.

Je rappelle l’importance de rester dans le cadre du droit et de la loi, et de ne pas glisser vers une logique d’arbitraire ou d’exception. J’observe qu’une des conclusions du rapport pointe que les outils du droit commun ne semblent pas adaptés à la « menace frériste ». Que faut-il entendre ? Doit-on à nouveau s’attendre à une nouvelle loi qui, après la lutte contre le séparatisme, ciblerait cette fois « l’entrisme frériste » ? Ne sommes-nous pas en droit de nous demander si la lutte contre le frérisme n’est pas un prétexte de plus pour suggérer que les musulmans pieux de ce pays devraient se voir imposer un régime de discrétion dans l’espace public ?


Propos recueillis par David Bornstein.

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Caroline Nourry
Directrice générale The Conversation France

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Le tabou de l’Islamophobie masque la banalisation des actes anti musulmans https://mondafrique.com/societe/le-tabou-de-lislamophobie-masque-la-banalisation-des-actes-anti-musulmans/ Mon, 19 May 2025 11:28:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=133944 L’assassinat d’un fidèle en pleine prière, le 25 avril 2025, dans la mosquée Khadidja de La Grand-Combe (Gard), a suscité des réactions politiques dissonantes. Tandis que le premier ministre dénonçait une « ignominie islamophobe », d’autres membres du gouvernement – dont le ministre de l’intérieur, critiqué pour sa réaction tardive – ont refusé cette qualification. La controverse sur les mots […]

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L’assassinat d’un fidèle en pleine prière, le 25 avril 2025, dans la mosquée Khadidja de La Grand-Combe (Gard), a suscité des réactions politiques dissonantes. Tandis que le premier ministre dénonçait une « ignominie islamophobe », d’autres membres du gouvernement – dont le ministre de l’intérieur, critiqué pour sa réaction tardive – ont refusé cette qualification. La controverse sur les mots met en lumière un enjeu plus profond : pourquoi les violences visant des musulmans peinent-elles à être reconnues ?

Un article du site « The Conversation »


Le meurtre d’un fidèle en prière dans une mosquée ne relève pas seulement d’un fait divers tragique : il interroge les modalités de reconnaissance des violences visant des individus en raison de leur appartenance religieuse. En principe, de tels actes appellent une mobilisation équivalente de l’État, quelle que soit la communauté visée. Dans les faits, les réactions à l’attentat de La Grand-Combe (Gard) ont révélé un traitement différencié, marqué par une précaution terminologique et une implication politique inégale.

Le rapport parlementaire de mars 2025 s’appuyant sur la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur, rappelle que les actes antimusulmans souffrent d’une sous-déclaration massive, liée à la banalisation des faits, à la méfiance envers les institutions et à l’absence de qualification systématique du mobile discriminatoire. Ce traitement statistique contribue à minimiser l’ampleur réelle du phénomène, limitant ainsi les réactions politiques et médiatiques proportionnées.

Cette approche reflète une asymétrie de visibilité entre les violences antimusulmanes et d’autres formes de discriminations, telles que l’antisémitisme, qui bénéficient d’un suivi institutionnel plus soutenu et d’une reconnaissance publique accrue comme le relève un rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

La difficulté à qualifier les discriminations religieuses, notamment envers les musulmans, renforce une forme d’invisibilité structurelle que des chercheurs pointent par ailleurs dans leurs travaux. L’islam en France est perçu à travers le prisme de la sécurité et de la méfiance, ce qui contribue à renforcer cette marginalisation. Il est d’ailleurs rappelé que les responsables de l’Institut musulman de la Grande Mosquée de Paris avaient exprimé leur inquiétude face aux manifestations exclusivement consacrées à l’antisémitisme, estimant qu’elles reléguaient au second plan les actes antimusulmans, pourtant en expansion en France.

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Le rapport parlementaire, mentionné plus haut, invite l’État à mettre en place une stratégie plus active pour faciliter le signalement des contenus illicites en ligne. En ce qui concerne l’islamophobie, ce travail repose majoritairement sur les associations, un engagement qui devrait s’intensifier avec la mise en place des « signaleurs de confiance » à savoir des « organisations reconnues pour leur expertise dans la détection, l’identification et la notification de contenus illicites » désignées par l’Arcom.

Renforcer les dispositifs existants – par exemple, en s’appuyant sur le défenseur des droits ou la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) – permettrait de lutter de manière plus efficace contre les incitations à la haine.

Nommer les actes de haine : pourquoi les mots comptent

La qualification des violences dirigées contre des personnes musulmanes demeure institutionnellement fluctuante. Par souci affiché de neutralité, les autorités françaises recourent aux expressions « haine antimusulmans » ou « actes antireligieux », tandis que le terme « islamophobie », qui désigne une hostilité envers l’islam et les musulmans, selon le dictionnaire Larousse, est l’objet de polémiques, certains considérant que son usage traduit une volonté d’empêcher les critiques relatives à l’islam, portant, par là même, atteinte à la liberté d’expression.

Cette prudence lexicale, relevée par le rapport parlementaire de mars 2025, produit plusieurs effets paradoxaux : elle singularise les faits, dissimule leur ancrage structurel et affaiblit la lisibilité publique des atteintes. Ainsi, une agression verbale dans les transports, des inscriptions hostiles sur un lieu de culte ou un refus d’embauche sont appréhendés comme des épisodes indépendants, alors qu’ils participent d’un même continuum discriminatoire.

Selon Kamel Kabtane, recteur de la Grande Mosquée de Lyon, « le fait que certains politiques refusent d’employer ce mot est une façon de nier la souffrance des musulmans et une partie de la réalité de ce qu’ils vivent ».

Jusqu’à sa dissolution en 2020, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) répondait en partie à cette invisibilisation : il recensait les agressions, accompagnait les victimes et publiait des rapports annuels détaillés. Le décret du 2 décembre 2020 a prononcé sa dissolution, lui reprochant des déclarations accusant l’État de cibler les musulmans et des proximités avec un islamisme radical, jugées susceptibles d’alimenter la discrimination, la haine ou la violence.

Le vide ainsi créé est aujourd’hui partiellement comblé par l’Association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans (Addam), issue du Forum de l’islam de France (Forif). Mais, faute de ressources stables, l’association peine toutefois à couvrir l’ensemble du territoire. Son projet de plateforme numérique de signalement, annoncé pour mai 2025, vise à centraliser les données et à fournir des indicateurs fiables aux décideurs publics.

L’objectif affiché : combler la sous-déclaration des faits, apporter des données aux législateurs et des solutions. Ces revendications traduisent une demande explicite de visibilité portée par une partie des citoyens de confession musulmane, qui aspirent à voir les atteintes dont ils sont l’objet traitées avec la même rigueur que celles visant d’autres communautés.

Le Conseil de l’Europe et le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme recommandent des politiques intégrées contre le racisme antimusulman : formation des agents publics, observation indépendante et reconnaissance explicite de la spécificité de ces violences.

En France, le Forif n’a pas encore chiffré les besoins humains et financiers requis pour atteindre ces standards. Une feuille de route dotée de moyens pérennes permettrait de consolider le maillage associatif, d’assurer une couverture territoriale complète et de produire des statistiques robustes, conditions d’un pilotage fondé sur l’évidence.

Il est toutefois à noter que, dans sa version publiée en 2023, le Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine ne comporte pas, à ce stade, de référence explicite aux actes antimusulmans ni aux travaux académiques qui les analysent, inscrivant de facto cette problématique dans la catégorie plus large des discriminations « liées à l’origine ».

Cette absence nourrit le constat de déficit de reconnaissance évoqué plus haut et renforce, selon le rapport parlementaire, la nécessité de créer un observatoire indépendant spécifiquement voué à la haine antimusulmane.

Ce que la recherche éclaire : pistes pour une reconnaissance effective

Depuis plusieurs décennies, les sciences sociales s’attachent à décrypter les mécanismes d’invisibilisation et de marginalisation de certains groupes minoritaires, parmi lesquels les personnes musulmanes.

Ces recherches montrent que l’absence de catégories explicites pour désigner les violences qui les ciblent empêche de mesurer l’ampleur réelle du phénomène. Cette logique repose sur un pouvoir symbolique exercé par la capacité à nommer, classifier et structurer le débat public (Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, 1979). L’absence de désignation claire des violences antimusulmanes dans les discours politiques et juridiques contribue à leur dilution dans des catégories larges telles que la « haine antimusulmans » ou les « actes antireligieux », rendant complexe une lecture cohérente de leur occurrence.

L’effacement de ces faits sociaux ne s’opère donc pas seulement au niveau statistique, mais également dans les représentations collectives.

L’histoire récente montre que le sexisme, l’homophobie et l’antisémitisme n’ont pu être pris en compte de manière efficace qu’après avoir été identifiés, définis et intégrés dans les discours politiques et juridiques. Le refus de nommer explicitement les violences antimusulmanes limite cette structuration symbolique et sociale, freinant les capacités de mobilisation et d’action publique.

Dans ce contexte, l’islamophobie peut être analysée comme un processus de racialisation spécifique. Loin de se réduire à une hostilité religieuse, les discriminations à l’encontre des personnes musulmanes s’inscrivent dans une dynamique plus large, où des marqueurs culturels et physiques sont perçus comme des éléments distinctifs. L’usage du terme « islamophobie » se justifie alors par sa capacité à désigner non seulement un rejet des pratiques religieuses, mais surtout une stigmatisation sociale fondée sur des caractéristiques perçues, qu’elles soient culturelles, ethniques ou religieuses. En ce sens, le terme « islamophobie » répond à une nécessité analytique, celle de saisir les mécanismes systémiques qui produisent l’exclusion.

Toutefois, cette reconnaissance ne doit en aucun cas dériver vers une forme de censure du débat public, ni tracer des frontières artificielles entre ce qui serait considéré comme « convenable » ou « inconvenable ».

L’objectif n’est pas de restreindre l’expression critique, mais de structurer le débat public autour de termes appropriés permettant de rendre compte des réalités sociales sans masquer les discriminations spécifiques. Il s’agit ici de redéfinir le cadre discursif par l’analyse scientifique, afin de désigner avec précision les actes de violence et de stigmatisation, tout en préservant l’espace nécessaire à une approche critique et raisonnée du fait religieux.

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Nord Mali, l’éducation sacrifiée sur l’autel de l’insécurité https://mondafrique.com/societe/nord-du-mali-leducation-sacrifiee-sur-lautel-de-linsecurite/ Thu, 15 May 2025 06:19:12 +0000 https://mondafrique.com/?p=133607 Marginalisée historiquement, négligée par l’État, puis balayée par les vagues successives d’insécurité, l’école n’a jamais pu s’y enraciner durablement au Nord du Mali. Ce déficit éducatif, loin d’être un simple indicateur social, est devenu un facteur central d’instabilité. Ce lien entre la déscolarisation, la précarité et l’instabilité régionale est au cœur des dynamiques actuelles. L’histoire […]

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Marginalisée historiquement, négligée par l’État, puis balayée par les vagues successives d’insécurité, l’école n’a jamais pu s’y enraciner durablement au Nord du Mali. Ce déficit éducatif, loin d’être un simple indicateur social, est devenu un facteur central d’instabilité. Ce lien entre la déscolarisation, la précarité et l’instabilité régionale est au cœur des dynamiques actuelles. L’histoire de l’association Tazunt et le basculement du nord dans la violence post-2021, illustrent deux facettes complémentaires de cette tragédie silencieuse.

Rania HADJER

La scolarisation en Azawad, au Nord du Mali, a toujours été en retard par rapport au reste du pays. Alors que la première école du Soudan français, l’actuel Mali, ouvre ses portes à Kayes en 1848, il faudra attendre un siècle, en 1948, pour voir la première école apparaître dans la région de Tombouctou. À l’indépendance en 1960, le nombre d’écoles dans toute la vaste région nordique ne dépasse pas la dizaine.

Dès cette époque, la scolarisation se heurte à de multiples obstacles : le mode de vie nomade historique complique la scolarisation sur le long terme, mais surtout, certaines autorités religieuses locales qui freinent l’envoi des enfants dans les rares écoles existantes, préférant leur imposer une éducation religieuse stricte.

Une marginalisation éducative

« Durant la colonisation française, les communautés locales étaient réfractaires à l’envoi de leurs enfants dans les écoles françaises, par crainte légitime d’une acculturation. Cette méfiance a perduré même après l’indépendance, en raison d’un profond scepticisme vis-à-vis de l’État malien. Il existait une inquiétude persistante : celle de voir la culture locale éclipsée par celle du sud du pays », explique Salah Mohamed Ahmed, chargé de l’éducation au Front de Libération de l’Azawad (FLA).

Mais cette résistance locale n’est pas seule en cause. L’abandon structurel par le jeune État malien, particulièrement dans la région de Kidal, contribue à entretenir un profond sentiment de marginalisation. La rébellion touarègue de 1963, sévèrement réprimée, trouve en partie ses racines dans cette négligence originelle. L’absence d’investissement dans l’éducation n’a jamais été totalement corrigée.

 « Ce n’est qu’à partir des années 1990, après la deuxième rébellion et le Pacte de Tamanrasset, que les communautés locales ont commencé à s’ouvrir à l’éducation formelle, notamment grâce à l’intégration des combattants dans l’armée et l’administration, et à la décentralisation qui a permis l’élection de maires issus de ces communautés. Elles ont compris que, pour accéder à des postes à responsabilité et envisager des carrières prometteuses, l’obtention d’un diplôme était indispensable », explique Mohamed Ahmed Salah. « L’intégration de 1996 a renforcé cet élan : des logements ont été aménagés pour les élèves venus de hameaux isolés, et l’exemple des combattants exilés en Libye, comme ceux du camp éducatif Inetilen fondé à Tripoli en 1987, a servi de modèle. »

L’État malien absent

Malgré la relative accalmie entre 1997 et 2006, qui permet la construction de quelques écoles supplémentaires par des associations locales avec l’aide d’ONG, l’implication de l’État reste minimale : peu d’enseignants envoyés, peu de moyens attribués. Le premier lycée de Kidal n’ouvre ses portes qu’en 1996. Jusqu’à aujourd’hui, les régions de Kidal, Gao et Tombouctou ne comptent chacune qu’un seul lycée et un collège par cercle.

Avant 2012, la région de Kidal comptait à peine une dizaine d’écoles réparties sur tout le territoire : un seul lycée, quelques écoles primaires et quasiment aucune structure dans les zones rurales comme Abeibara. Douze ans plus tard, malgré les efforts communautaires, la majorité des nouvelles structures éducatives sont précaires, autogérées et concentrées dans les grands centres comme Kidal, Aguelhoc ou Tessalit. Les écoles privées ou communautaires ont en partie comblé le vide laissé par l’État, mais elles restent largement insuffisantes pour répondre aux besoins d’une population jeune et croissante.

« Après 2012, avec la prise de Kidal par le MNLA, puis les accords de paix de 2015, les enseignants originaires du sud du pays ont refusé de venir enseigner dans le Nord. L’explication officielle avancée est d’ordre sécuritaire. Mais en réalité, beaucoup d’enseignants refusent d’exercer dans une région qui échappe au contrôle effectif de l’État central. Certes, l’État a construit quelques écoles et envoyé des fournitures scolaires, mais que faire de salles de classe et de matériel sans enseignants ? », déplore le chargé de l’éducation.

Quant aux universités, elles sont totalement absentes du Nord. L’accès aux études supérieures est un véritable parcours du combattant. Étudier à Bamako, à 1600 kilomètres de son village, implique non seulement des capacités académiques, mais surtout des ressources financières, familiales et logistiques dont très peu disposent. Ce contexte pousse certains jeunes à tenter leur chance à l’étranger, là où l’accueil étudiant est parfois plus accessible.

Mais depuis une décennie, ce retard historique s’est transformé en véritable désastre éducatif, sous l’effet cumulé de l’insécurité, des déplacements forcés, de la fermeture des écoles et du retrait progressif de l’État.

L’association Tazunt , entre deux mondes

Face à cette situation dramatique, l’association Tazunt, qui signifie “partage” en tamasheq, voit officiellement le jour en 2020, fruit d’un échange sur Messenger entre Emmanuelle Dufossez, enseignante française, et Bakrene Ag Sidi Mohamed, officier adjoint à la division des affaires civiles de la MINUSMA. L’histoire commence en 2018 lorsqu’un appel de détresse lancé par Bakrene “Aidez-nous à scolariser les enfants du nord du Mali” trouve un écho immédiat auprès d’Emmanuelle.

Au fil de leurs échanges, elle découvre alors l’étendue des dégâts : une seule école d’État, un seul enseignant, Issouf, pour toute la région, et un taux de déscolarisation alarmant en raison de l’insécurité permanente et le manque de moyens.

« L’État est absent depuis 2012. S’il n’est pas présent militairement ou administrativement, il refuse d’envisager un quelconque développement. Chez nous, l’éducation a deux ennemis : un État démissionnaire et le terrorisme », déplore Bakrene. « Maintenir ces communautés dans l’ignorance sert les intérêts des deux camps. »

Screenshot

Bédacieux (Hérault)/Tessalit (Kidal)

Sous l’impulsion du duo, une première initiative voit le jour : créer un lien entre les enfants de Tessalit, dans la région de Kidal, et ceux du collège de Bédarieux, dans l’Hérault. L’objectif est simple mais ambitieux : convaincre les familles d’envoyer les enfants de Tessalit à l’école et lutter contre le désintérêt scolaire à Bédarieux.

Quelques jours plus tard, « un mardi à midi », une classe d’une trentaine d’élèves de Bédarieux se connecte via Skype. De l’autre côté de l’écran, au camp de la MINUSMA, Bakrene accueille une dizaine d’enfants de Tessalit, en présence d’Issouf, l’unique instituteur officiel de la région.

Ce rendez-vous hebdomadaire devient un moment précieusement attendu de part et d’autres. « Il y’a eu des moments difficiles. Comme le jour où les enfants de Tessalit n’ont pas pu rejoindre le camp de la MINUSMA à cause d’une bombe qui a explosée. », se souviens Emmanuelle.Grâce à ces visioconférences, des échanges pédagogiques communs s’organisent : discussions, études de cas, réflexion autour de l’accès à l’eau, ou encore travail sur les droits de l’enfant. Ce lien inédit donne un nouveau souffle aux enfants de Tessalit, à travers des moments d’apprentissage mais aussi d’évasion.« Une chose m’a frappée après coup : contrairement aux idées reçues, il y’avait autant de filles que de garçons qui participaient à ces programmes. », témoigne l’enseignante.« Les filles étaient même plus enthousiastes que les garçons. Notre projet a eu un impact très positif sur l’éducation des filles. », ajoute Bakrene.

Parmi les souvenirs marquants, Emmanuelle raconte ce moment bouleversant : « La petite Mbarka a dit qu’elle aimait beaucoup lire. Une élève de ma classe lui a demandé quel livre elle lisait en ce moment. Mbarka est restée silencieuse. C’est Bakrene qui a pris la parole pour expliquer que la bibliothèque de Tessalit avait été incendiée en 2015, et que depuis, il était très compliqué de se procurer des livres. Mes élèves ont alors proposé d’organiser une collecte. On avait comme futur projet de recréer la bibliothèque de Tessalit. Malheureusement, ce projet n’a jamais pu voir le jour après les coups d’Etat. »

Les actions de Tazunt dépassent les écrans. L’association contribue également à des projets concrets : forages à grand diamètre sécurisés, construction de salles de classe, distribution de semences reproductibles, formation aux premiers secours, envoi de fournitures scolaires et distribution de manuels.

L’engagement personnel d’Emmanuelle et Bakrene permet aussi à de jeunes talents d’émerger. C’est le cas de Sidi Mohamed, originaire d’Aguelhok, qui, grâce à leur soutien, participe à un concours d’éloquence organisé à Bamako par le réseau 2R3S. Coaché à distance par Emmanuelle, il déclame un texte émouvant sur les droits de l’enfant. Après le concours, la lecture de Sidi Mohamed accompagnera un montage réalisé par une élève de Bédarieux, à partir de photos et vidéos d’enfants de Tessalit et Intescheq.

Les retombées du coup d’État

Hélas, la situation politique au Mali rattrape les espoirs nés de cette belle aventure. Après les coups d’État de 2020 et 2021, le retrait de la MINUSMA, puis l’interdiction faite aux ONG étrangères de travailler sans contrôle strict, l’association Tazunt est contrainte de cesser ses activités sur le territoire malien. Un courrier de la junte au pouvoir interdit explicitement toute collaboration, arguant que Tazunt n’était pas suffisamment “malienne” dans ses actions. Peu après, une interdiction formelle est signifiée.

« Ce qui me peine le plus, c’est que beaucoup d’enfants qui avaient recommencé à aimer l’école l’ont quittée de nouveau. Surtout les filles. Certaines avaient pourtant tout pour devenir des cadres et apporter un plus à leur région », regrette Bakrene. « Depuis la reprise des conflits dans le nord, plusieurs écoles sont maintenant utilisées comme base pour les militaires des Forces Armées Maliennes ».

Aujourd’hui, alors que Bakrene vit exilé dans une ville frontalière algérienne, et qu’Emmanuelle continue de porter la voix de ces enfants oubliés, Tazunt reste le symbole d’un espoir brisé mais aussi d’une solidarité que ni les frontières ni les conflits ne parviennent totalement à étouffer.

Une jeunesse livrée à la dérive

Depuis la rupture de l’Accord d’Alger et le retrait des forces internationales, le nord du Mali est redevenu une zone de guerre. Les opérations militaires menées par les FAMA, appuyées par le groupe Wagner, provoquent des pertes civiles massives. Les bombardements ont détruit des infrastructures vitales : habitations, écoles, centres de santé, forages.

La pauvreté, l’absence d’encadrement et le manque de perspectives créent un terreau propice à l’endoctrinement. Les groupes armés exploitent ce désespoir, offrant statut, revenu et appartenance en échange de l’engagement. Dans cette spirale, l’éducation, loin d’être un rempart, devient une victime collatérale et une cause indirecte de la radicalisation.

Les villes frontalières algériennes, où affluent les réfugiés, ne disposent d’aucune stratégie d’intégration ou de scolarisation. Faute de prise en charge, les enfants et adolescents rejoignent la contrebande, l’orpaillage illégal ou les réseaux criminels. Ce basculement démographique et social constitue désormais une bombe à retardement pour toute la région.

La situation éducative au Nord du Mali dépasse de loin la simple question d’accès à l’école. Elle révèle un enchevêtrement complexe entre marginalisation historique, instabilité politique, stratégies militaires brutales et pauvreté structurelle. Loin d’être secondaire, l’éducation est au cœur des enjeux de stabilité, de paix et de développement.

Tant que l’éducation sera négligée dans les stratégies étatiques et internationales, la jeunesse azawadienne restera otages d’un cycle de violence dont elle est pourtant la première victime.

 

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L’art moderne africain conquiert New York du 8 au 11 mai https://mondafrique.com/loisirs-culture/lart-moderne-africain-conquiert-new-york-du-8-au-11-mai/ Wed, 07 May 2025 22:21:45 +0000 https://mondafrique.com/?p=132982 Née à Marrakech puis à Londres, la foire internationale « 1-54 Art Fair »continue de promouvoir l’art moderne africain du 8 au 11 mai à New York. Un bel hommage à la créativité du continent autant qu’un pied de nez à ceux qui dans l’Amérique de Trump veulent effacer l’histoire. Avec le joli mois de mai débute […]

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Née à Marrakech puis à Londres, la foire internationale « 1-54 Art Fair »continue de promouvoir l’art moderne africain du 8 au 11 mai à New York. Un bel hommage à la créativité du continent autant qu’un pied de nez à ceux qui dans l’Amérique de Trump veulent effacer l’histoire.

Avec le joli mois de mai débute à New York la saison des salons d’art et autres événements culturels que lance chaque année avec faste le gala du Metropolitan Museum of Art, véritable défilé de mode et de glamour scruté par les paparazzis et les fashionistas de toute la planète.

Dans cette cour artistique américaine si prisée, l’art moderne africain a su trouver un siège de choix depuis maintenant 10 ans. Un trône même, occupé avec emphase par la « 1-54 Art Fair », cette foire qui ouvre ses portes du 8 au 11 mai en plein cœur de l’île de Manhattan.

Touria El Glaoui, la bonne fée

Né à Londres en 2013 de la vision de sa curatrice Touria El Glaoui, fille du peintre marocain Hassan El Glaoui, 1-54 affiche un nom qui sonne comme une utopie : représenter et unir les 54 pays du continent. Ce doux rêve est porté par une ambition aussi réelle qu’en partie assouvie. Rapidement devenue une référence, au point d’inspirer une concurrence en France avec Also Known as Africa (AKAA), l’étape londonienne s’est rapidement doublée en 2015 d’une destination arrivée, dans le temple de l’art que constitue New York City avant de tripler son édition en 2018 en ouvrant également un salon à Marrakech.

Une triangulation qui a fait la première et la plus importante des foires d’art moderne africain, dont la sélection est chaque année mise en avant  par le fort distingué New York Times, le très professionnel Artsy, le si bien informé Observer, ou le très sérieux Financial Times

Le Congo sort du coeur des ténèbres

Pour cette édition 2025, 30 galeries et 70 artistes venus de 17 pays ont été patiemment sélectionnés pour occuper les 30 000 m2 d’exposition et donner à voir ce que l’Afrique et ses diasporas offrent à l’art moderne de la planète. Les premières toiles de la galerie bahaméenne Tern ou de Kub’Art, venues de République démocratique du Congo, sont très attendues, comme un concentré du regard porté pat cet 2tat à la taille d’un continent sur l’actualité internationale.

En proie à la guerre, pillé pour ses ressources, portant encore les stigmates de la colonisation, et aux racines de toutes les révolutions industrielles et technologiques (caoutchouc, uranium, cuivre, coltan), l’ancien Zaïre produit également des artistes enragées. Les plasticiennes Prisca La Furie et Rachel Malaika entendent bien pousser un cri singulier lors des 4 jours d’exposition. Un écho au mouvement de révolte que fait doucement vibrer 1-54.

Dans une Amérique dont le président Trump entend réécrire l’histoire, en particulier celle des Noirs américains, la thématique choisie cette année a un écho particulier avec une mise en valeur des Caraïbes, passage quasi obligé des victimes de la traite des Noirs, cette tragédie qui fut à l’origine du formidable essor des Etats Unis mais aussi de ses blessures les plus enfouies.

L’Art est aussi Résistance.

 

 

 

 

 

 

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Notre portrait d’un jeune sénégalais engagé, Abass Mbathie https://mondafrique.com/societe/notre-portrait-dun-senegalais-engage-abass-mbathie/ Mon, 24 Mar 2025 06:40:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=130289 Le Sénégal peut être fier met d’Abass Mbaye, un pur produit de l’Université Alioune Diop de Bambey, qui a brillamment représenté l’Afrique au Prix International de la Liberté, organisé par l’Institut International des Droits de l’Homme et la Région Normandie. Le Prix Liberté invite les jeunes de 15 à 25 ans en France et dans […]

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Le Sénégal peut être fier met d’Abass Mbaye, un pur produit de l’Université Alioune Diop de Bambey, qui a brillamment représenté l’Afrique au Prix International de la Liberté, organisé par l’Institut International des Droits de l’Homme et la Région Normandie.

Le Prix Liberté invite les jeunes de 15 à 25 ans en France et dans le monde entier, à désigner chaque année une personne ou une organisation engagée dans un combat exemplaire en faveur de la liberté.

Parmi 600 candidatures venues du monde entier, Abass a été l’un des trois Africains sélectionnés pour siéger au jury, aux côtés de jeunes issus des quatre continents. Sa mission ? Déterminer les combats les plus impactants pour la liberté et les droits humains. Une responsabilité lourde, mais qu’il a portée avec engagement, passion et détermination.

À 25 ans, Abass Mbathie incarne une jeunesse africaine consciente et résolument tournée vers l’action. Humanitaire, entrepreneur social et militant écologiste, ce jeune Sénégalais refuse la fatalité et multiplie les initiatives pour une Afrique plus juste, solidaire et durable.

Un portrait signé par Rania Hadjer.
 
Prix Liberté 
 
 

Prix Libe

Voici le lien ci dessus pour ceux qui souhaitent concourir à la prochaine remise de prix en juin

Titulaire d’un master en gouvernance territoriale et développement durable, Abass Mbathie est avant tout un acteur de terrain. « J’ai grandi en observant des injustices autour de moi. Le fossé entre les riches et les pauvres en Afrique me révolte particulièrement. » confie-t-il.

Son engagement dans l’humanitaire débute en 2018, lorsqu’il parcourt les 14 régions du Sénégal pour identifier les besoins les plus urgents. Il découvre alors des réalités insoutenables : des enfants déscolarisés faute de moyens, des villages privés d’eau potable, des personnes en situation de handicap sans assistance.

« L’accès à l’éducation ne devrait pas être un privilège, tout comme l’accès à l’eau et à la santé. Pourtant, dans nos pays, ce sont encore des batailles à mener ».

Face à ces inégalités, il crée la Fondation Abass National grâce à laquelle, des centaines d’enfants reçoivent chaque année des fournitures scolaires et des bourses, des puits sont creusés, et des fauteuils roulants sont distribués aux plus démunis.

Mais Abass Mbathie ne se limite pas à l’humanitaire. Soucieux d’apporter des solutions durables, il crée Récolte Numérique Solidaire, une entreprise sociale qui lutte contre le gaspillage alimentaire en utilisant la technologie. « Nous avons un paradoxe insoutenable : des tonnes de nourriture gaspillées alors que des millions de personnes souffrent de malnutrition », souligne-t-il.

En tant qu’ambassadeur du Sénégal pour Afrifoodlinks, un programme dédié aux systèmes alimentaires durables, il milite pour une agriculture adaptée aux réalités africaines. « Le changement climatique accentue chaque année l’insécurité alimentaire. Mon rôle est de promouvoir et de plaider en faveur de systèmes alimentaires durables qui répondent aux spécificités du continent africain ».

Militant écologiste convaincu, il voit également dans la crise climatique une nouvelle forme d’injustice. « Ceux qui souffrent le plus du réchauffement climatique sont ceux qui y contribuent le moins », rappelle-t-il.

Un combat pour la liberté et les droits humains

Cette détermination à lutter contre les injustices dépasse les frontières du Sénégal. Membre du jury du Prix Liberté 2025, Abass Mbathie participe à une initiative mondiale qui récompense chaque année une personne ou une organisation engagée pour la paix et les droits humains.

Créé et porté par la Région Normandie, en partenariat avec l’Institut International des Droits de l’Homme et de la Paix, les Autorités Académiques et le réseau Canopé, le Prix Liberté est un dispositif pédagogique de sensibilisation à la liberté, à la paix et aux droits humains, ancré dans les valeurs portées par le Débarquement du 6 juin 1944.

Il invite les jeunes de 15 à 25 ans, en France et dans le monde, à désigner une figure emblématique du combat pour la liberté. La singularité de ce prix est qu’il implique la jeunesse à chaque étape, des propositions de candidats à la sélection du lauréat.

« À chaque violation des libertés fondamentales et des droits humains quelque part dans le monde, c’est notre humanité à tous qui est menacée. Être sélectionné pour faire partie de ce jury a une forte symbolique pour moi. C’est une opportunité précieuse de promouvoir la justice et d’inspirer d’autres jeunes à s’engager. », témoigne Abass.

L’Afrique, continent d’opportunités

Mais au-delà de ses actions, Abass Mbathie veut surtout inspirer une prise de conscience collective.

« Pour moi, chaque jeune adulte a un devoir envers sa communauté et doit se poser la question : “Que puis-je faire à mon échelle pour apporter un changement positif ?” Même un geste simple peut avoir un impact. C’est seulement dans cet effort collectif que nous pourrons réellement changer les choses.»

Pour Abass, l’Afrique ne doit pas être réduite aux défis qu’elle affronte. Son regard porte bien au-delà des crises et des difficultés : il voit en ce continent une terre d’opportunités, riche d’une jeunesse dynamique et inventive.

« L’Afrique est un continent jeune et riche. Trop souvent, on la perçoit à tort comme une terre de problèmes, alors qu’elle regorge de solutions et de potentiel. Les crises politiques, sécuritaires et sociales, aussi dévastatrices soient-elles, ont forgé une incroyable capacité de résilience, notamment chez les jeunes. Ils débordent de ressources, ils savent transformer les épreuves en opportunités. Nous avons de nombreux défis à relever, mais surtout, nous avons les moyens d’y faire face. Pour cela, il faut une volonté commune, une vision partagée. Il est impératif que les pays africains travaillent ensemble, main dans la main, pour bâtir des solutions régionales et continentales. Nous devons mutualiser nos forces. »

Mais pour qu’un véritable essor ait lieu, il est essentiel, selon lui, de miser sur la jeunesse et, plus particulièrement, sur l’autonomisation des femmes.

« Si nous voulons voir l’Afrique prospérer, il faut investir massivement dans l’autonomisation économique des jeunes, mais surtout, dans l’éducation et l’émancipation économique des femmes. Sans cela, nous n’y arriverons pas. »

Une autre condition essentielle pour l’avenir du continent repose sur un modèle de gouvernance plus proche des citoyens, axé sur la participation et la transparence.

« L’avenir de l’Afrique ne pourra s’écrire qu’avec une gouvernance transparente, inclusive et responsable. Trop souvent, les décisions sont déconnectées des réalités du terrain. Il faut replacer les citoyens au cœur des politiques publiques, répondre à leurs besoins concrets, en toute transparence. »

Malgré les difficultés, Abass Mbathie reste optimiste. Pour lui, un mouvement est en marche, porté par une nouvelle génération prête à s’engager pour transformer l’Afrique et, plus largement, le monde.

« Ce qui me donne espoir, c’est l’émergence d’une génération de jeunes leaders dans tous les domaines. On assiste à une prise de conscience grandissante des enjeux sociaux, environnementaux et économiques. De plus en plus de jeunes s’engagent pour le développement durable, pour des causes qui dépassent leur propre quotidien. C’est une dynamique forte, qui redonne espoir, non seulement pour l’Afrique, mais pour le monde entier. »

Loin des discours fatalistes, Abass Mbathie incarne cette jeunesse africaine qui croit en l’avenir et déterminée à ne plus être spectatrice de son destin, mais à le construire. Un avenir où l’injustice ne serait plus une fatalité, mais un combat à mener. Et surtout, à gagner.

 

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